Feed back atelier de dégustation grands vins confidentiels

La fil d’Ariane de cet atelier était la notion de grand vin et plus particulièrement les raretés, les vins que se réserve une élite d’amateurs «aware». Exit donc les grands noms fortement réputés et assez largement distribués comme Sassicaia, Pétrus, Montrachet, et autres stars bien connues du landerneau des oenophiles.

L’idée était plutôt de découvrir, voyager et tenter d’y voir plus clair sur la définition du «grand vin» et peut-être se débarrasser d’un peu de subjectivité au profit d’un peu plus d’objectivité, ce qui en soit est déjà tout un programme :-)

On débute avec un Riesling de la Rheingau, la cuvée Nonnenberg 2017 de Goerg Breuer. Un vin allemand d’une grande minéralité, salin, tendu, avec une voluptuosité sous-jacente qui ne demande qu’à éclore dans quelques années. Une grande pureté se dégage de ce vin, comme une sculpture sans aspérité. Si la beauté des Rieslings allemands est assez bien connue des amateurs anglophones, c’est beaucoup, beaucoup moins le cas des francophones ... Ce vin illustre à merveille la notion de pureté des grands blancs. Note personnelle 19/20


Tout autre registre que ce Saumur blanc «Brézé» 2009 du Clos Rougeard. Là, c’est le Chenin qui parle, avec ces notes de coing, de cire d’abeille et c’est aussi le millésime, solaire, qui s’exprime avec une grande richesse de texture. Les arômes paraissent un peu oxydatifs alors que la robe tout juste jaune dorée fait étalage d’une belle jeunesse, malgré ses dix ans. Le terroir s’exprime plus en fin de bouche, avec une certaine tension. Grand vin de gastronomie, enveloppant, qui sera à l’aise avec viandes blanches, sauces à la crème, épices, agrumes, risotto aux crustacés, ... Note personnelle 17/20

Un saut dans les Grisons avec le Pinot Noir 2017 de Studach. Finesse et intensité, élégance, minéralité, longueur. Un vin qui ne sur-joue pas. Le boisé s’efface devant le fruit, les épices, la réglisse, le floral. Le fruit est mûr sans le coté confit que l’on peut trouver dans les vins de la région. Incontestablement un grand Pinot Noir, du niveau d’un premier Cru bourguignon. Un vin qui aura l’intelligence de s’entendre avec beaucoup de mets et de moments. Classe. Note personnelle 18/20

Baux de Provence, domaine de Trevallon rouge 2011. Encore dans sa gangue, de la tenue, qui marie admirablement Cabernet Sauvignon et Syrah. Beaucoup de fruit, concentré et acidulé à la fois. Epicé, frais, structuré. Longue finale croquante. Il appelle la viande rouge, l’agneau, les plats du sud, les épices, une lasagne de légumes à base de tomates, poivrons, aubergines, ail, ... Idéalement lui laisser le temps de s’épanouir quelques années encore. Note personnelle 17/20

On descend un peu plus au sud avec cet IGP Côtes Catalanes «La Roque» 2010 domaine Gauby. Grenache vieilles vignes de 90 ans. Ca sonne bien. A l’ouverture la robe est un peu floue, les arômes légèrement oxydés, comme si la bouteille avait été ouverte il y a deux jours. Rien de bien grave mais on n’est pas dans la pureté aromatique des prédécents. La bouche est jolie, avec de la concentration, une certaine ampleur, mais ça manque globalement d’éclat et de longueur. Bien à 25.00 - 30.00 CHF mais pas à 70.00, Note perso 14/20 N.B. Peut être un souci avec cette bouteille.

Une escale à Vacqueyras avec le Château des Tours 2009. Comme toujours avec les vins d’Emmanuel Reynaud, une grande intensité aromatique et un fruit éclatant. Agrumes aussi, épices et minéralité en toile de fond. C’est puissant (15 degrés), intense et ça pulse en fin de bouche. Un vin chaleureux qui sera à l’aise avec tajines, soupes de poissons, agneau confit, ... Typiquement le vin à ouvrir bien à l’avance, voire à passer en carafe. Note personnelle 17/20

D’un claquement de langue nous voici dans le Swartland, en Afrique du Sud, pépinière de vignerons talentueux, avec le Columella 2012 D’Eben Sadie, un vin à dominante de Syrah qui impressionne par sa finesse de texture et sa retenue, loin des blockbusters que l’on trouve souvent dans le pays. Nous sommes malgré tout en présence d’un vin ambitieux, le fer de lance rouge du domaine et on sent bien une certaine pression dans l’expression de ce vin. A mon sens, plus d’éclat et de naturel dans la cuvée Soldaat (Grenache) du même domaine. Notre personnelle 16/20

Téléportation dans les Abruzzes, Chez Emidio Pepe. Ce Montepulciano 2007 rouge offre une grande intensité, beaucoup de jeunesse encore tout en étant accessible, joyeux, concentré avec une belle montée en puissance en fin de bouche. Plus qu’à trouver de belles polpettes de boeuf/agneau, avec une sauce tomates maison bien concentrée et on sera bien. 17/20

C’est un peu un OVNI en Argentine que cette cuvée Estrella Cabernet Sauvignon 1994 de Weinert. Un vin comme on en faisait en Europe il y a plus de 50 ans, bâti pour la garde. Un peu comme les vins D’Emidio Pepe d’ailleurs. C’est bon, très bon même. A maturité mais sans signes de fatigue. Une complexité et une classe qu’on attendrait plutôt dans un grand cru classé de Bordeaux de cet âge là. La structure du Cabernet et une certaine puissance assagie nous emmènent vers une cuisine riche, épicée, automnale, hivernale. Gibier à poil serait parfait. Cèpes et pommes de terres rôties, une option. 17/20

C’était un peu la difficulté de la dégustation de savoir à quel moment mettre sur table ce Saumur Champigny Les Poyeux 2008 du Clos Rougeard. Le seul vin rouge issu d’un climat «frais». On peut résumer le tout par «grande classe». Encore en phase de jeunesse avec un rien de sévérité mais quel toucher de bouche ... C’est comme malaxer un balle thérapeutique qui serait légèrement granuleuse. Finale aromatique milles et une nuits. 18,5/20 Ca appelle la bécasse, le gibier à plumes, le foie gras poêlé, ...

Pour terminer, retour sur un millésime jeune avec un vin du Languedoc, la Grange des Pères rouge 2015. Fallait oser n’est-ce pas ? Un participant disait du poyeux 2018 qu’il ne pouvait imaginer un vin avec plus à offrir. J’ai un peu le même ressenti avec cette Grange des Pères. C’est profond, concentré tout en étant assez élancé. Le tanin est particulièrement noble, sans aucune rugosité. Un vin ample dès l’attaque et qui se déploie encore un peu plus en fin de bouche. Ca me rappelle cet adage qui dit qu’un véritable grand vin est toujours bon, qu’il soit jeune ou à maturité. Le plaisir est différent mais il est toujours présent. 19/20

Les véritables grands vins ont cet éclat particulier, cette intensité, voire puissance, cet équilibre délicat entre les différents éléments. Ni trop ni trop peu. Et bien sûr cette longueur en bouche, qui en est la signature. Il est en effet assez facile de façonner à la cave un vin concentré, extrait, riche en alcool, mais l’énergie propre aux grands vins et qui va leur donner une pulsation inhabituelle, ne peut l’être. Il s’agit plutôt de la rencontre entre un grand terroir et une personne assez talentueuse pour mettre en bouteille le génie du lieu. C’est cette même énergie qui leur permet d’avoir un potentiel de garde plus important que les autres vins et leur donne la possibilité de se bonifier, lentement mais sûrement.

BC